Suite de La famille du Père Noël
Le bruit a couru tout bas d’abord, puis les sapins ont repris le chuchotis des lutins du Nord, ensuite le vent a colporté la rumeur, la Mer et l’Océan s’en sont saisie, puis le monde entier des lutins, des elfes des farfadets et des Esprits l’ont su :
Le Père Noël est en grève !!!
Et oui, le Père Noël s’est arrêté subitement le 1er décembre, il a dit
"stop !! C’est quand pour moi les semaines de 35 h ? les congés payés ? les RTT ? pas de remise à niveau de mes connaissances avec tous ces joujoux électroniques, comment je fais moi, pour me tenir au courant ? j’ai pas de mutuelle et pas de retraite !!! bon je ne suis jamais malade, mais sait-on jamais … et je ne suis pas payé …. Juste quelques biscuits et quelques bols de lait !!
Halte aux cadences infernales ! je suis en GREVE !!"
et là il a crié, et plus personne n’a pu l’ignorer ! Le bonhomme en rouge était en grève !!
OUI, oui, oui, en grève !!
Les lutins ont vaillamment continué à essayer de fabriquer des joujoux, mais sans Père Noël pour tout surveiller, comment faire ? Les Nains et leurs savoirs sont venus du fond de leurs grottes avec leurs plans et leurs burins, mais allez donc faire une Nintendo à partir de la roche et de la glace !!!
Les Elfes et leur sagesse sont arrivés, mais comment créer des poupées Monster high quand on tisse les fils de Lune.
Les fées et leur magie ont surgi de la lumière des étoiles, mais comment pouvaient-elles tirer du néant des ordinateurs et autres babioles technologiques ???
Finalement Faunus (demi frère du Père Noël) s’est arrêté de surfer du côté d’Hawaï et Fria (maman de la Mère Noël) a ouvert les portes de son palais de Glace, loin là bas au Pôle Sud. Chacun de son côté a tendu l’oreille et tous deux ont enfin entendu la rumeur « il est en grève le père Noël » et le pire c’est que madame Noël ne tentait même pas de le raisonner ! allons bon, tout était perdu.
Mais Faunus pour une fois a décidé de se montrer responsable … que lui arrivait-il ? Il a enfourché sa planche et a chevauché les vagues pour atterrir enfin sur les rives glacées du Pôle Nord. Fria de son côté a convoqué les grandes baleines et y a accroché son navire de givre et de verre. Miracle ou magie, tous deux ont accosté au même moment, après un bref sourire contraint ils ont filé qui vers le Père Noël, qui vers la Mère Noël.
Rikke a accueilli sa mère, la belle Fria, avec un bon sourire et lui a tendu une part de pain d’épices odorant et tout chaud. Le Père Noël a tiré une chaise vers le coin du feu invitant son frère à s’asseoir. Et ils ont parlé. Que se sont-ils dit ?? nul ne le sait, ni les lutins qui ont collé leurs oreilles contre la porte de bois rouge et verte, ni les rennes qui ont écrasé leurs museaux de velours contre les vitres ornées de cristaux de neige.
La seule chose que l’on sait c’est que Fria a haussé les épaules à plusieurs reprises, que Faunus a bondi de son siège, s’est rassis, s’est relevé, a fait les 100 pas … mais que le Père Noël est resté en grève et que Madame secouait la tête d’un air benoît sans rien dire. Sauf … à la fin … elle a simplement dit en ouvrant la porte qui donne sur l’Atelier
« si cela vous paraît si facile et amusant, nous vous laissons les clefs de l’Atelier, faites-nous donc la preuve que travailler 364 jours par an sans relâche, pour de plus en plus d’enfants avec des joujoux de plus en plus compliqués, est à la portée de n’importe qui. »
Là-dessus elle et son mari sont partis se coucher sous le regard interloqué de leurs hôtes.
Fria et Faunus se sont regardés un moment et il semblerait qu’ils aient eu la même idée puisque Fria a tendu sa main glacé à Faunus l’un a dit « chiche ! » et l’autre « essayons ! »
Au matin les lutins ont trouvé une veste rouge et un pantalon de la même couleur ainsi qu’une longue robe toujours de la même couleur sur l’établi des lutins couturiers, mais ils ne trouvèrent aucune trace du couple Noël. Les tenues étaient aux mesures de Fria et de Faunus. Lui hurla son grand rire tonitruant tandis qu’elle faisait la moue. Mais puisqu’ils avaient décidé de tenter l’aventure …. Et c’est, houspillés par les lutins qui avaient pris trop de retard, par les Nains les elfes et les Fées qui se régalaient déjà des contes qu’ils en tireraient (ce sont des peuples grands amateurs d’histoires en touts genres) que Fria et Faunus se dirigèrent vers l’Atelier.
Certaines histoires se sont mises à circuler à propos d’un couple de retraités ayant visité la Tour Eiffel montant et descendant à pieds tous les étages et ayant payé le repas au restaurant avec des pièces d’or. Le même couple aurait ruiné un casino à Las Vegas et aurait sauté à l’élastique en Nouvelle Zélande et bien d’autres choses encore.
Pendant ce temps Fria et Faunus étaient aux prises avec le monde moderne.
Fria rêvait de poupées de porcelaine aux cheveux de soie, les lutins lui montraient les photos de poupées dans des catalogues de papier glacé : Monster High, Bratz, et Shelly …. Fria s’entêtait, les lutins se croisaient les bras, puis soudainement pris de frénésie sortaient des clefs USB et un ordi pour montrer les plans et les commandes que Père Noël avaient faits. Effarée Fria criait que cet horrible écran lui faisait mal aux yeux. Aussitôt les lutins imprimèrent des kilomètres de feuilles pour lui permettre de mieux apprécier les plans. Ensevelie sous les feuilles (format A4 bien sûr) Fria mit les pouces et accepta d’oublier les poupées délicates.
Faunus pensait vélos et patins à roulettes, les Nains lui sortaient les manuels techniques des micro ordinateurs et des portables. Faunus négociait pour pouvoir produire des clairons et des trompettes, on lui proposait des orgues électroniques …. Les épées de bois n’avaient plus la côte. Mais les fusils lasers en plastiques si ! Heureusement les costumes plaisaient toujours … mais qui diantre était la Princesse Leïa et ce Luke Skywalker ?
Toujours quand Fria ou Faunus proposait une idée on leur répondait "Père Noël a prévu ceci ou cela" et on leur sortait ordinateur ou feuilles imprimées. A la fin excédé Faunus hurla : "mais vous n’avez pas besoin de nous, on repart ! "
Mais non, il n’en était pas question, les lutins voulaient des superviseurs qui régulent la production, qui arbitrent les différents, qui accordent des heures de repos, qui s’assurent que les commandes passées étaient honorées, qui s’occupent des rennes, qui vérifient que le secrétariat était à jour, que …. …. et surtout qui assurent la distribution. Fria regrettait férocement son palais où la vie s’écoulait au rythme des gouttes tombant des stalactites de cristal, Faunus s’imaginait sur sa planche préférée, profitant des vagues de l’hémisphère Sud.
Pendant ce temps le couple Noël visitait les différents sapins de Noël érigés dans les capitales, et les villes de moindre importance, faisait du lèche vitrine et voyant les yeux écarquillés des petits enfants, entendant les rires des gens qui espéraient bien fêter Noël se prenaient à repenser à l'agitation fébrile de leur cher atelier. Ils reniflaient les odeurs de crêpes et de beignets, le vin chaud et les épices de Noël, traînaient dans les marchés au milieu des bonshommes de pain d’épice et des couronnes de sapin et de houx et ils avaient le sentiment étrange que le monde entier était devenu un Atelier de Noël.
Mais pour une fois ils avaient décidé, et c'était irrévocable, qu'ils vivraient Noël du côté de ceux qui festoient.
Ils ont réservé une table dans un petit restaurant sympathique dans une station de ski dans les Pyrénées, se sont offert de
jolis pulls norvégiens, un pantalon de laine et une grosse jupe, de solides chaussures et des skis. Toute la journée ils ont fait du télémark, sous les yeux des enfants ébahis qui riaient et
applaudissaient. Le soir ils on fait une descente au flambeau et tout cela sentait la Noël ! Puis ils ont mangé une fondue et se sont promenés au coeur de la nuit. Au matin dans le chalet loué
ils ont découverts au pied de la cheminée deux petites boîtes ornées de faveur blanches bleues et ors, les couleurs de Fria et rouges et ors couleurs de Faunus. L'une contenait une carte avec ces
seuls mots :
"merci de m'avoir permis d'entendre les rires des enfants"
et l'autre disait,
"l'an prochain je viens vous filer un coup de main, mais ça suffit la grève, allez au boulot les tourteraux, faut préparer 2014"
Rikke et Noël se sont regardés en souriant, ils ont tendu leurs oreilles dans tous les sens et ont saisi, comme chaque année, les rires des enfants, avec de temps à autres des remarques du genre "oh comme elle est jolie cette épée de gladiateur, mais j'avais demandé un pistolet laser !!" et d'autres exclamations du même genre. Ils ont éclaté de rire et sont repartis vers le Nord, ignorant cette petite carte glissée sous le manteau de la cheminée
"Fria et Faunus ont le plaisir de vous faire part de leur mariage et vous convient à Reikjavik pour le 01 décembre 2014"
Joyeux Noël à tous