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Il y avait dans un pays lointain une famille de braves gens les Aïns apparentés au petit Poucet. Ils n’avaient plus grand-chose à voir avec leur illustre aïeul et entendirent bien peu parler du descendant qui épousa une ogresse bien qu’ils fussent contemporains.  Ils avaient tout le respect de leurs voisins et leur amitié, mais ils étaient bien tristes, car plus les générations passaient  et plus les enfants qui naissaient étaient petits. Personne ne se moquait d’eux, mais ils se sentaient  isolés. Obligés de regarder les gens en levant la tête, taillant les vêtements de leurs adultes dans un métrage qui aurait suffi à des enfants. Les jeunes gens avaient de plus en plus de mal à trouver des épouses et les jeunes filles ne trouvaient guère de prétendants.  Un jour ils décidèrent de quitter leurs pays et leurs amis pour aller se réfugier dans les montagnes. La famille entière fit ses bagages, et les voisins tentaient par tous les moyens de les retenir car les Aïns étaient adroits au travail du fer et de la pierre. Mais à chaque objection les parents répondaient :

« Donnerez-vous votre Bella (ou votre Karina, ou votre Josepha –cela dépendait de la famille à qui ils parlaient, bien sûr) en mariage à notre Kelim,(à notre Jissaf, à notre …cela dépendait de leur humeur)  et les voisins baissaient la tête. Alors toute la famille chargea ses petites affaires dans de petites malles et attela leur âne à la carriole.

 

Ils marchèrent longtemps en direction de la montagne. Au bout de 10 jours alors qu’ils abordaient les contreforts rocheux de la montagne,  ils ne rencontrèrent plus personne, la région qu’ils traversaient était déserte. Même les brigands avaient abandonné la contrée. Pourtant la terre était fertile et les bois faits de grands arbres aux futs bien droits. Mais bientôt ils croisèrent des endroits noircis où les animaux étaient absents, nul pépiement d’oiseaux, nulle trace de renard, même pas le frôlement furtif d’un écureuil.  La mère, Marissa, voulait faire demi-tour, mais ses enfants et son mari désiraient  absolument connaître la clef du mystère.  Ils continuèrent  donc jusqu’au soir du douzième jour.  Ils établirent leur campement sous un éperon rocheux, leur âne tremblait de toutes ses jambes et Marissa suppliait son mari de repartir.

« Doubal, qui sait ce qui se cache dans ces bois calcinés ? Kelim, Jissaf et Affrin sont de jeunes têtes brûlés, mais à ton âge, on est plus sage et on connaît la valeur de la prudence, repartons vers la ville. Nous finirons bien par trouver un endroit où nous établir et où  des jeunes filles prendront nos gars pour époux. »

Mais les hommes ne voulaient rien savoir et le pauvre âne regardait Marissa d’un air de dire « Comme les hommes sont bêtes ! ».

 

Durant la nuit, bien froide car personne n’avait eu l’audace de quitter le campement pour ramasser du bois pour le feu, ils entendirent un lourd battement d’ailes dans les airs.  Puis il y eut un cri à glacer le sang et le pauvre âne n’osait même pas braire son désarroi. Marissa rentrait ses ongles dans les bras de son mari jusqu’à le faire saigner. Puis le vol s’éloigna et Affrin osa dire le mot que tout le monde avait à l’esprit « Dragon ! ».

dragon.jpgimage darkngoth

Il n’était plus question d’hésiter : dès le matin il faudrait faire demi-tour. Du moins c’est ce que tous pensèrent  à cet instant. Serrés les uns contre les autres ils attendaient que viennent les premières lueurs lorsqu’un autre bruit bien différent se fit entendre. Des pleurs, des pleurs d’enfant. Marissa se leva aussitôt appelant :

« Petit, viens ici, n’aie pas peur »

Et apparut un bout de chou, guère plus haut que mon genou. Fillette ou garçonnet ? Impossible à dire, la tignasse embroussaillée camouflait le visage. Une fois calmé le petit bonhomme expliqua qu’un dragon avait établi  son nid dans le flanc de la montagne et avait  dévoré ou chassé la plupart des habitants animaux ou hommes dans tous les environs.  Mais aux yeux de Marissa tout cela n’avait guère d’importance.

« Quel âge as-tu petit ? »

« 10 ans m’dame »

Marissa rayonnait

« Et dis-moi, ils sont tous comme toi là d’où tu viens ? »

« Ben non m’dame, y a des filles et des gars, des bruns et des blonds, on est pas tous pareils du tout, m’dame »

« Non, je veux dire, vous êtes tous des petites personnes ? »

« Ben, on est normaux m’dame, pas comme vous les géants »

 

Cela changeait tout et les Aïns n’avaient plus envie de partir. Enfin des gens avec qui vivre et qui ne les considèreraient plus comme des « Petits», même plutôt, comme des géants. Au matin, loin de faire demi-tour ils s’enfoncèrent  plus avant dans la montagne vers le campement des villageois. Les rescapés s’étaient réfugiés dans les arbres, vivant de peu et dans la crainte du lendemain. Les Aïns furent accueillis comme des Héros, Géants des temps anciens, venus les délivrer. Ce qui n’était pas précisément le but des Aïns qui venaient juste chercher des épouses pour les trois fils et ramener les villageois vers des terres plus hospitalières si possible. Mais ils furent tellement fêtés, entourés, pressés qu’ils n’eurent aucunement l’occasion de s’expliquer. C’est ainsi qu’au matin, ils furent poussés hors de leurs lits faits de filets suspendus dans les arbres, habillés de bric et de broc avec des morceaux de cuir et armés de faucilles, de marteaux et autres engins bien peu efficaces avant d’être lâchés à flanc de montagne.

 petit-personnage.jpgimage veryaware

Le paysage était désolé, les pierres noircies avaient fondu dégoulinant comme de la lave refroidie. Les Aïns ne se sentaient pas vraiment l’âme de Héros. Ils coururent comme une volée de moineau se réfugier derrière un gros rocher au premier bruit. Puis, ayant scruté attentivement les environs pendant un long bout de temps, Affrin se leva poussant un hurlement strident, courant vers le trou d’où sortait un gros panache de fumée et se jeta contre un rocher branlant situé plus haut sur la montagne, ses frères comprirent aussitôt et le suivirent, se jetant aussi sur le rocher, à eux trois ils le firent rouler sur le trou, puis un autre, et encore un autre,  causant un véritable éboulis. Bientôt un horrible charivari se fit entendre lorsque le dragon tenta de forcer la sortie, mais les garçons aidés par leurs parents et les villageois qui, enhardis, les rejoignaient, firent rouler l’équivalent d’une petite colline sur la sortie du nid. Bien courte histoire à vrai dire et faible exploit ....

 

Le soir même les Aïns, se sentant bien peu dignes de toute l’attention que leur accordaient les villageois, furent fêtés, courtisés. Entre eux ils se disaient des choses du genre, « Bah, on n’a pas fait grand-chose, mais si ça leur fait plaisir … » C’est ainsi que les Aïns s’installèrent dans la région prenant le nom de PerdDragon, les fils épousèrent de jolies filles et leurs enfants furent toujours un peu plus grands que ceux des autres villageois. Ils devinrent habiles à extraire des pierres précieuses, transmettant cet art à leurs descendants. Certains d’entre eux connurent une grande célébrité en accueillant une princesse aux cheveux noirs comme la nuit et à la peau blanche comme la neige et que sa belle mère pourchassait d’une violente haine, mais ceci est une autre histoire.

Tag(s) : #contes et histoires
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