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Lorsque les 7 Aïns recueillirent la Princesse (histoire bien connue), ils ignoraient que leur propre histoire allait en être changée. Après  que la petite princesse fugueuse aux cheveux de jais et à la peau blanche comme le lait fut partie avec son prince charmant, la famille de celui-ci s’avisa que les Aïns possédaient un art et une habileté incomparables. Nul mieux que eux ne savait trouver les gemmes et nul mieux que eux ne savait les transformer en joyaux étincelants. Certains d’entre eux travaillaient la roche brute, les os des montagnes, créant des dentelles de pierre ornant les châteaux.

 


Le roi et par la suite le Prince annexèrent donc la montagne des Aïns afin que ceux-ci, protégés par les troupes royales continuent à travailler en toute tranquillité dans les gouffres vertigineux et les cavernes profondes.
Les Aïns portaient leurs trésors à la cour, où ils venaient aussi passer quelque temps à embellir les porches et les fenêtres, en échange le royaume les couvrait d’or, dont-ils n’avaient que faire, de soieries et d’étoffes précieuses qui n‘auraient pas tenu une heure dans les galeries souterraines, leur envoyait les mets les plus raffinés qui ne les satisfaisaient pas autant que le pain brun que leurs femmes cuisaient dans les fours de pierre. Malgré tout, ils étaient heureux. Ils vivaient en paix, pratiquant leur art, et étudiant toujours plus assidument les mystères de la pierre : sa formation, sa résistance, ses profondeurs. Ils étudiaient non seulement les minéraux mais les minerais, créant de fabuleux alliages de métaux, résistants, légers et brillants comme le soleil.

Image hébergée par servimg.com


Le temps passa, les rois se succédèrent et il en vint un qui était plus curieux que les autres. Il pressait les Aïns de question, les retenait à toute force par des cajoleries et des pleurnicheries quand ceux-ci venaient au palais, mettant à leurs dispositions forges et ateliers, tentant de les espionner et de connaître leurs secrets. Mais les Aïns ne partageaient leur savoir qu’entre les membres de leur tribu. Et la curiosité du roi se mua en rancune, hargne et colère. Mais il ne le montrait pas.


Pour ses dix années de règne il invita sa famille, ses amis et les nobles les plus proches. Ainsi que les Aïns. Ceux-ci entourés de tant de monde et de beau monde, ne se méfièrent pas. Ils festoyèrent gaiement, ripaillèrent à satiété, burent plus que de raison de ce jus de pomme fermenté que nul autre qu’eux n’appréciait. Et ils s’endormirent, comme des bébés. Le roi les fit porter, avec tous les égards dus à des invités, dans leurs chambres. Des cachots !


Au matin, dégrisés et penauds, ils se réveillèrent, dépossédés de leurs outils et allongés sur le sol nu en pierre. Ce qui, d’ailleurs, ne les changeait guère de leur couche habituelle. Le roi les regardait et posément leur dit que tant que les Aïns ne se résoudraient pas à partager avec lui toutes et il insista bien sur le TOUTES, leurs connaissances, ceux-ci resteraient enfermés, ici, loin de leur montagne et de leurs arbres. Qu’on ne les autoriserait plus jamais à toucher un outil de leur vie, ni à approcher une forge. Le roi savait bien qu’aucune menace ou torture n’était supérieure à cela.

 

 

grimoire.JPGCe qu’il ignorait en revanche c’est que le prince qui avait épousé la petite princesse des siècles auparavant leur avait demandé  de raser le donjon de la marâtre de Blanche, leur accordant d«’emporter tout ce qui leur plairait dans cette fichue tour » . Et là, les Aïns avaient trouvé, outre de nombreux alambics, qu’ils avaient fait leurs, et des potions, que méfiants ils détruisirent :  un livre. Et pas n’importe quel livre. Écrit par un mage de grande sagesse, tombé comme par sorcellerie entre les mains de la mauvaise reine, il contenait des secrets perdus depuis longtemps. Entre autres la nature de la pierre.


Certains récits disent que les Aïns résistèrent des mois au roi avant de se sauver on ne sait comment et au prix de grandes souffrances. Il n’en est rien. Rien d’aussi glorieux, rien d’aussi héroïque. Tout juste la bêtise d’un roi qui avait oublié combien les Aïns étaient les amis de la pierre, et quelle magie ils déployaient envers celle-ci. L’aîné des Aïns, Pyré, se pencha vers le sol, posa ses mains contre la pierre, la salua et lui demanda poliment le passage. Les murs se fendirent et les Aïns s’enfuirent dans le petit matin encore sombre.
Ils se concertèrent et prirent la décision de se séparer afin d’augmenter  la difficulté de la traque pour les limiers du roi. Pyré, l’aîné partit vers le Sud où une chaîne de montagne barrait le ciel. Talpes partit vers le Sud-Est, en direction des montagnes si hautes que leur pointe chatouille le ventre de la Lune. Vergne, le cousin décida de rester sur place, parler aux dragons des volcans afin que ceux-ci crachent leurs flammes sur les troupes du Roi. Et Bret le dernier qui voulait voir la mer du Nord, dont on disait qu’elle était plus farouche et plus belle que celle du Sud, trop endormie à son goût, partit à sa recherche.


Le roi lança tous ses hommes à la poursuite des fuyards. Pyré, aîné des Aïns, s’enfouit avec les siens dans les gorges profondes dans les avens et les gouffres, égarant ses poursuivants. Talpes et son groupe profitèrent d’une bourrasque de neige pour aller s’établir sur le plus haut sommet de la Montagne Blanche. Vergne s’enfonça dans les tanières des Dragons et vécut en toute harmonie avec ceux-ci, faisant fuir les soldats devant les panaches de soufre enflammé.


Bret, lui, continua avec sa famille, il remonta le pays par le centre, trouvant des plaines fertiles mais monotones et de vastes rivières qu’il fallut traverser en abattant des arbres pour construire des radeaux. Ils rencontrèrent un troupeau d’ânes sauvages qu’ils réussirent à apprivoiser afin de se faciliter le voyage. De tailleur de pierre, Bret devint ânier. Mais il persévérait dans son rêve de voir la mer, à l’extrême pointe des terres, là où elle se fracasse, les jours de tourmente contre des roches grises et noires. Et toujours les soldats les poursuivaient, parfois Bret, ânier, désormais, menant sa famille ne comptait que 2 jours d’avance, parfois plus, mais la traque ne s’arrêtait pas. Bientôt il arriva là où la terre se finit , face à la mer déchaînée. Il y resta avec les siens, un jour entier à se repaître de cette vision qu’il espérait  depuis sa fuite des cachots. Mais les soldats arrivaient, alors ils repartirent vers le Sud, libérant les ânes, longeant la mer, dormant dans les criques, se nourrissant des coques et des étrilles, des bigorneaux et des araignées de mer.


Les soldats se perdaient parfois dans les découpes de la côte, mais ne lâchaient pas la piste. Puis la petite troupe arriva sur une étendue relativement plane, et les soldats les cernèrent. Le Roi voulait les fuyards vivants, alors les soldats les entourèrent, se tenant par les épaules, formant une nasse circulaire  de laquelle les Aïns ne pouvaient s’échapper.  Bret, tailleur de pierre, Bret, ânier, était aussi Bret le Sage, celui qui avait hérité du Livre, ses connaissances étaient plus vastes que l’on ne peut l’imaginer, et il détestait la violence.

 

Depuis longtemps il eut pu anéantir ses poursuivants, leur lançant la foudre, ou faisant ouvrir le sol sous leurs pas. Mais il ne le voulait. Il regarda sa famille, ses assaillants, puis il prit une grande inspiration, baissa ses bras vers la roche et cria un seul son, que l’on n’entendit plus jamais (enfin certains dirent l’avoir déjà entendu une fois, de l’autre côté de la mer et encore une autre fois au bout du monde). Les soldats s’arrêtèrent, leurs jambes leur semblaient de pierre, et leurs paupières étaient lourdes. Peu à peu ils devinrent rocs, soudés en cercles autour des Aïns. L’arrière garde formait des alignements, dont jamais personne ne comprit la signification, et le cercle resta mystérieux, là. Jusqu’à la fin des temps les soldats, sous les ordres du commandant Kaern'c,  resteront pour célébrer la victoire des Aïns.

http://coincoin8887.free.fr/voyage/carnac.jpgimage voyage en Bretagne par l'Ahut

Ce que sont devenus les Aïns ? Nul ne le sait au juste. On dit qu’ils s’enfoncèrent au centre de la terre, qu’ils voyagent encore sur des torrents de lave, surgissant de nuit pour respirer l’air libre et admirer la Lune. On dit, qu’ils traversèrent les continents, surgissant sur une île aride, où ne poussaient pas d’arbres, que les indigènes voulurent les capturer et furent transformés en gigantesques statues de pierre, mystérieuses, tournant le dos à la mer.  Mais on dit tant de choses.

 

image du forgeron : toutoublog.com

Tag(s) : #contes et histoires
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